Lors des Assises des départements de France à Albi, le 13 novembre dernier, le Président du Sénat (M. Gérard LARCHER) a évoqué certaines propositions pour renforcer les départements et a notamment évoqué à cette occasion la perspective d’une « reprise » des syndicats d’énergie.
Au Sénat, la Ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, Mme Francoise GATEL, a confirmé l’existence d’une réflexion sur ce point, dans le cadre du nouvel acte de décentralisation lancé par le Premier ministre dès sa nomination au mois de septembre dernier et qui doit déboucher sur un projet de loi – attendu initialement avant la fin 2025 mais qui, compte tenu de l’échec de la Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2026, devrait être présenté au début du mois de janvier prochain- soumis pour examen au Sénat avant les élections municipales de mars 2026.
Dans un courrier daté du 24 novembre 2025 adressé à l’ensemble des Président(e)s de conseils départementaux, le Premier ministre a précisé que le projet de loi de décentralisation en préparation prévoit de confirmer le rôle du département comme chef de file des réseaux de proximité, incluant le numérique, l’eau ainsi que la distribution d’électricité et de gaz, dans le respect des attributions des autres collectivités, bloc communal et régions.
Cette notion de « chef de file » doit par conséquent être distinguée d’un éventuel transfert de compétences au département, dont les attributions doivent obligatoirement être prévues par la loi depuis la suppression (dans la loi MAPTAM du 27 janvier 2014) de la clause générale de compétence, maintenue uniquement pour les communes.
Dans le secteur de l’énergie, hormis les deux départements habilités par le législateur à exercer à titre dérogatoire la compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité (AODE) sur leur territoire, tous les autres ne sont donc pas juridiquement fondés, au regard du droit en vigueur, à intervenir – de près ou de loin – dans ce secteur d’activité, à l’exception de la lutte contre la précarité énergétique puisque la loi leur a attribué un rôle de chef de file dans ce domaine.
S’agissant des réseaux, le rôle de chef de file leur permettrait par exemple de s’impliquer plus activement et directement – encore une fois, sans nécessairement exercer la compétence d’autorité organisatrice – dans différents aspects liés aux infrastructure de distribution d’électricité (recensement des besoins, programmation des investissements, financement des travaux…), nonobstant les dispositions déjà existantes (SDI/PPI, raccordement des utilisateurs au réseau, données…), négociées dans le contrat de concession signé par l’autorité concédante et son concessionnaire, sans qu’il faille apparemment considérer cette immixtion comme une tutelle exercée par le département sur le syndicat d’énergie faisant partie quant à lui du bloc communal.
A cet égard, il convient de noter qu’une convention a d’ores et déjà été signée en 2025 par un département avec ENEDIS. Certains thèmes abordés dans ce document intitulé « convention de partenariat concernant l’accompagnement autour de la transition énergétique », préfigurent les sujets auxquels la notion de chef file pourrait permettre au département de s’intéresser plus activement à l’avenir, comme le recensement, la programmation, la réalisation et le financement des travaux d’électrification rurale. L’intitulé de certains articles est en effet très clair :
- Anticiper l’impact et les coûts de raccordement ;
- Disposer de données cartographiques concernant le réseau de distribution d’électricité sur le territoire du département ;
- Développer le réseau de distribution tout en maîtrisant les investissements ;
- Optimiser la conduite, l’exploitation et la maintenance du réseau public de distribution.
D’autres articles traitent des infrastructures de recharge des véhicules électriques, du développement des énergies renouvelables ou encore de l’autoconsommation collective d’électricité sur le territoire du département, sans jamais citer l’existence d’un grand syndicat déjà opérationnel, en charge de l’exercice de ces compétences pour le compte de ses membres.
Loin de clarifier l’exercice de certaines compétences, cette proposition de reconnaître au département un rôle de chef de file des réseaux de proximité a donc conduit les membres de la FNCCR, réunis en Assemblée générale le 11 décembre dernier, à adopter une motion pour réaffirmer la nécessité de maintenir l’organisation des service publics de réseaux à l’échelon territorial le plus pertinent en termes d’efficacité, de proximité et de solidarité.
Dans cette motion, la FNCCR demande par conséquent au Gouvernement :
- De renoncer à faire du département le chef de file des réseaux de proximité ;
- De maintenir les compétences en matière de distribution d’énergie et d’eau dans le bloc communal, compte tenu de la nécessité de ne pas remettre en cause une organisation qui garantit la cohésion territoriale et une ingénierie qui a fait les preuves de son efficacité sur le terrain ;
De ne pas obérer les moyens d’action des AODE et notamment les recettes perçues par les syndicats spécialisés au titre de l’exercice de cette compétence, tout en veillant à éviter une dilution de leurs moyens au bénéfice d’autres actions étrangères aux missions exercées par ces syndicats, ce qui risquerait de freiner les investissements sur les réseaux et les actons de transition énergétique et écologique, en contradiction flagrante avec les engagements et les objectifs fixés par le Gouvernement.
