Les contraintes et les difficultés pouvant résulter d’un telle situation, s’agissant notamment de l’exercice du contrôle, doivent toutefois être replacées dans un contexte plus général, très sensible depuis que la crise des « gilets jaunes » a provoqué un débat sur le poids et l’utilisation – voire l’utilité – de certaines taxes qui grèvent les prix de l’énergie, en poussant le Gouvernement à geler toute augmentation des tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz jusqu’à la fin de la période hivernale.
Lors du Conseil d’orientation des autorités organisatrices de la distribution d‘énergie (AODE) qui s’est tenu à la FNCCR au mois de janvier 2019, soit le même jour que le lancement du Grand débat national par le Gouvernement, un des points inscrits à l’ordre du jour de cette réunion a porté sur la réforme de la fiscalité énergétique, en particulier sous l’angle de ses objectifs et de ses enjeux pour les collectivités bénéficiaires des taxes locales sur l’électricité (cf. note ci-jointe diffusée et présentée aux participants).
Dans ce cadre, plusieurs enjeux ont été identifiés, susceptibles d’être invoqués pour mieux justifier certains changements à apporter aux modalités actuelles de perception des TLCFE, présentés à la fois comme inévitables et nécessaires, dans l’intérêt aussi bien des fournisseurs d’électricité que de l’ensemble des bénéficiaires de ces taxes :
- Un contexte général particulièrement favorable à une réforme structurelle de la fiscalité énergétique, dans le prolongement du mouvement des « gilets jaunes » né du refus de la hausse des taxes sur les carburants prévue au 1er janvier 2019 et finalement annulée, qui se recoupe avec une réforme par ailleurs de la fiscalité locale, rendue quant à elle nécessaire en raison de la suppression de la taxe d’habitation ;
- La fragilité juridique du dispositif de modulation locale des tarifs des TLCFE, que la Commission européenne estime contraire au droit de l’Union européenne et dont la suppression est envisagée dans un projet de révision de la directive 2003 sur la taxation de l’énergie, présenté en 2011 mais qui n’a pu être adopté jusqu’ici faute d’accord entre les Etats membres (dans ce domaine, c’est la règle de l’unanimité qui s’applique) ;
- L‘extension de l’assiette de la TICFE à l’ensemble des consommations d’électricité depuis 2016, qui tend inévitablement à réduire l’autonomie réelle des taxes locales et par conséquent la marge de manœuvre des collectivités concernées ;
- Le poids de la fiscalité dans le prix TTC de l’électricité payée par les consommateurs et un manque de lisibilité lié au trop grand nombre de taxes. Même si les TLCFE ne sont pas responsables de l’augmentation de la fiscalité et du niveau atteint (35%), dû presque exclusivement à une très forte augmentation de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) entre 2010 et 2016, lorsque cette imposition servait à financer le développement des énergies renouvelables (via le dispositif de l’obligation d’achat), les collectivités bénéficiaires de ces taxes locales pourraient néanmoins pâtir de cette situation, ainsi que d’un système devenu peu lisible avec désormais trois niveaux de taxation différents (TCCFE, TDCFE et TICFE) appliqués à une même base d’imposition, pour les consommations d’électricité inférieures à 250 kVA de puissance souscrite ?
Dans ce contexte, les difficultés liées à l’augmentation du nombre de fournisseurs d’électricité chargés de collecter les TLCFE ne doivent pas être ignorées ou sous-estimées. Mais pour autant, ces difficultés ne doivent pas être vues et traitées à part, indépendamment des autres enjeux susvisés. Il convient en effet d’éviter que cette question soit éventuellement mise à profit pour laisser penser que, en ce qui les concerne, les syndicats d’énergie seraient finalement favorables à une révision en profondeur des modalités actuelles de perception des taxes locales de l’électricité, en s‘associant objectivement aux fournisseurs d’électricité qui ont écrit à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) du ministère des comptes publics (cf. courrier ci-joint) pour sensibiliser l’Etat aux problèmes auxquels ils se trouvent confrontés de leur côté dans l‘accomplissement de leurs obligations légales relatives à la collecte des taxes locales, et qui ne verraient certainement pas beaucoup d’inconvénients à verser à l’Etat l’intégralité des montants de taxe recouvrés, quitte à ce que celui-ci se charge directement de reverser aux collectivités concernées la part qui leur revient.
Or un tel système serait difficilement compatible avec le maintien de l’autonomie fiscale de ces collectivités, qui ne l’oublions pas fait également partie des revendications prioritaires exprimées par les élus locaux et leurs associations représentatives au titre de leur contribution au Grand débat national.