Projet de révision

Refonte des redevances des agences de l'eau

Nous avons présenté lors du COSPEA (29 novembre 2019), les premières pistes de travail du MTES sur le projet de refonte des redevances pollution et modernisation des réseaux de collecte.


Ce projet fait suite au rapport IGF-CGEDD d’avril 2018 sur l’avenir des opérateurs de l’eau et de la biodiversité (voir en particulier § 2.3.2.) et repris dans les conclusions de la 1ère puis de la 2nde séquence des assises.

Il convient toutefois de préciser que ce projet n’avait en fait pas été abordé durant les assises, les participants ayant au contraire insisté sur la nécessité de rééquilibrer les contributions des différents acteurs / usages au financement des AE en tenant compte du principe « pollueur payeur » et des nouvelles missions des agences de l’eau en matière de biodiversité et milieu marin. De nombreux participants aux assises (à commencer par la FNCCR et avec les autres associations d’élus) avaient donc formulé des propositions en vue de la création d’une redevance artificialisation (qui avait été annoncée par Nicolas Hulot alors Ministre de la TES, élargissement redevance pollution diffuse aux polluants de l’eau autres que phytosanitaire ou création d’un dispositif de « Responsabilité Élargie du Producteur de déchet – REP…).

Une seconde réflexion a donc été engagée au sein du comité pour l’économie verte sur le financement de la biodiversité, notamment via les agences de l’eau, avec un groupe de travail ad hoc « Redevances des agences de l’eau et atteintes à la biodiversité » auquel la FNCCR participe. Le GT (coprésidé par le député Christophe Jerretie et le sénateur Alain Richard) a pour objectif de faire des propositions au Gouvernement sur ces derniers enjeux, donc dans une perspective plus large que la seule refonte des redevances pollutions et modernisation des réseaux de collecte. Les deux démarches doivent/devraient conduire à des dispositions à intégrer dans le PLF 2021 (projet présenté au conseil des ministres pour juillet 2020).

 

  1. Pour ce qui concerne le projet de refonte des redevances pollutions et modernisation des réseaux de collecte.

Un premier projet a été présenté par la Direction de l’eau et de la biodiversité et les agences de l’eau (voir présentation). En résumé, il est prévu :

  • Le remplacement de la redevance pollution d’origine domestique par une redevance « solidarité » toujours assise sur les consommations d’eau mais modulée en fonction de critères de solidarité urbain-rural, de gestion patrimoniale et de « handicaps naturels ». Les indicateurs correspondants n’ont pas été définis, mais il devrait s’agir de l’indice linéaire de consommation, de l’indice de connaissance et de gestion patrimoniale, du rendement de réseau ; les « handicaps naturels » pourraient concerner les secteurs de montagne, l’insularité… (a également été évoquée la prise en compte d’enjeux qualité ou quantité d’eau, voir ci-dessous).
  • Le remplacement de la redevance modernisation des réseaux de collecte par une nouvelle redevance « pollution » ayant la même assiette que l’assainissement collectif des eaux usées (y compris pour les non-domestiques raccordés) et modulée selon la performance épuratoire (en « contrepartie » de la fin des primes d’épuration)
  • Les redevables ne seraient plus les « usagers » mais collectivités compétentes respectivement pour l’eau et pour l’assainissement collectif des eaux usées. Ces 2 redevances deviendraient des charges des services de l’eau et de l’assainissement comme c’est déjà le cas (théoriquement) de la redevance prélèvement.
  • Cette refonte est annoncée comme se faisant à iso-recettes (1,7 Mds€)

Ce projet a suscité de nombreuses interrogations (et souvent critiques) de la part des acteurs et tout particulièrement de la FNCCR (et de la FENARIVE), en cohérence avec les discussions du COSPEA réuni dans les locaux de la FNCCR le 29 novembre 2019.

En particulier :

  • Les participant attendent de la DEB une démonstration de l’intérêt de ses différentes propositions vis-à-vis de l’atteinte des objectifs DCE (et DERU).
  • Le principe d’une modulation de la nouvelle redevance pollution en fonction de la « performance épuratoire » apparait intéressante, mais sous réserve d’une réelle compensation de la perte pour les services d’assainissement (effective sur AELB et déjà annoncée pour les autres AE) des primes d’épuration (le produit prévisionnel des 2 redevances devrait donc être de 1,4 Mds (c’est-à-dire 1,7 Mds de produits actuels moins, 0,3 Mds€ de primes d’épuration reversées aux collectivités/exploitants)…
  • Pour ce qui concerne la modulation de la nouvelle redevance solidarité, nous restons interrogatifs :
    • Pour la solidarité urbain/rural sur l’articulation de cette modulation avec le fléchage d’une grande partie des aides du 11ème programme des AE au « petit cycle de l’eau » pour les seules collectivités classées en Zones de Revitalisation Rurale.
    • Pour la partie gestion patrimoniale, la modulation de la redevance solidarité devrait remplacer le dispositif de doublement de la redevance prélèvement créé par la loi Grenelle 2 (V de l’article L213-10-9 du code de l’environnement en cas d’absence ou d’incomplétude du descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable ou de rendement insuffisant cumulé avec l’absence ou le non-respect du « plan d’action ».
    • Pour les « handicaps naturels » : les critères évoqués concernent les zones de montagne ou insulaires. » La prise en compte d’enjeux qualité ou quantité d’eau est également évoquée, mais cela nous semble très plus délicat si devaient être pris en compte des pollutions ou des tensions quantitatives d’origine anthropique. En revanche, la présence d’éléments naturels rendant l’eau impropre à sa consommation pourrait constituer un critère pertinent (arsenic, radon, baryum …selon la géologie et la ressource).
  • Point d’attention : inciter les services à s’inscrire dans un objectif de performance dont les résultats permettraient une réduction des taux de redevance-taxe est intellectuellement intéressant (principe pollueur-payeur), mais sous réserve que les investissements induits ne viennent pas contrecarrer d’autres engagés par la collectivité, indépendamment de toute mise en conformité réglementaire.
  • En revanche, la FNCCR a exprimé son opposition au changement de redevable (la collectivité compétente pour l’eau / assainissement se substitue à l’usager comme redevable) car :
    • Cela revient à transférer aux collectivités (et à leurs usagers) les impayés de la part « redevances solidarité et pollution » (en plus de ceux qu’elles subissent déjà sur leurs propres recettes). Elles supportent déjà les impayés sur la « redevance prélèvement » mais qui porte sur des sommes bien moins élevés.
    • Cela va complexifier les procédures budgétaires et de fixation de tarifs puisqu’il faudra calculer des « contrevaleurs » pour ces deux redevances –on sait d’expérience (redevance prélèvement et l’ancienne redevance pollution avant la LEMA) que c’est très lourd à gérer en temp normal et plus encore en cas de changement d’exploitant lorsqu’il faut « solder » les comptes sommes facturées / encaissées / restant impayées / abandonnées.
    • Pour éviter ces calculs, la DEB et les agences de l’eau ont évoqué la suppression de l’obligation d’identifier les parts « organismes publics » dans les factures d’eau et d’assainissement ; mais cela conduit à renoncer à toute transparence sur le contenu exact du prix de l’eau, le montant des factures et des sommes prélevées sur la facture d’eau pour financer les Agences de l’eau et leurs actions, en contradiction avec les demandes sociétales mais aussi les dispositions en matière de transparence qui figurent dans la nouvelle directive eau potable
    • La modification des circuits financiers nécessitera de modifier les outils informatiques de gestion de la facturation (actuellement, en cas de facturation commune de l’eau et de l’assainissement (quasi-systématique), le recouvrement contentieux des 2 redevances est effectué par le service qui a fait la facturation initiale, ; avec ce projet, le service de l’eau aura la charge du recouvrement de la redevance solidarité et celui de l’assainissement de la redevance pollution).
    • Par ailleurs, le dispositif projeté aurait pour effet d’assujettir les abonnés « non domestiques » à la redevance solidarité qui remplace la redevance « pollution d’origine domestique » (assiette eau) alors que nombre d’entre eux sont actuellement assujettis à la redevance pollution d’origine non domestiques ou à la redevance pollution mais avec un plafonnement à 6 000 m3/an. Cela devrait se traduire par une augmentation du montant cumulé des redevances supportées par les « non-domestiques ».
      En outre, la redevance pollution devenant une charge du service intégrée au tarif de l’assainissement, elle devrait être affectée par le coefficient de pollution s’il est mis en œuvre par la collectivité.
    • Plus généralement, nous sommes également critiques vis-à-vis de l’image donnée par ce mode de calcul qui assimile les services d’assainissement à des « pollueurs » (redevables) au détriment de leur mission et de leur activité de dépollution.

Remarque : à ce stade, le projet est établi à « produit constant » mais selon les propositions et avancées des travaux du Comité Économie Verte et notamment en matière de nouvelles redevances artificialisation, micropolluants…, le produit de ces redevances pourrait être revu (a priori à la baisse).

La FNCCR a donc, à ce stade, proposé de « simplement » modifier le nom des redevances et de moduler leur taux en fonction d’un nombre réduit d’indicateurs mais sans changer les règles de redevabilité et de circuit financier, quitte à disposer d’un peu plus de temps pour construire cette modulation (choix des indicateurs et simulations). Ceci ne remettrait pas nécessairement  en cause la date d’entrée en vigueur de la réforme (2023) puisqu’il y aura alors moins de travail d’adaptation des procédures et logiciels.

  1. Pour ce qui concerne les travaux du comité économie verte.

Avec d’autres acteurs (AMF, UFC, FNE…) et comme durant les assises de l’eau, nous avons plaidé pour que soient dégagées de nouvelles ressources pour les agences de l’eau afin de financer leurs nouvelles missions dans le respect du principe « pollueur-payeur » au sens large (atteinte à la biodiversité) : redevance artificialisation (qui avait d’ailleurs été annoncée par N. Hulot en son temps), élargissement redevance pollution diffuse à l’ensemble des polluants de l’eau (plus uniquement les phytosanitaires) ou bien sous une autre forme (REP…). Pesant sur le prix de vente de ces produits contenant des polluants, cela constituerait une incitation des consommateurs à utiliser des produits moins nocifs et en moins grande quantité.
Précisons toutefois que cette redevance artificialisation suscite des craintes voire des oppositions (notamment du MEDEF/FENARIVE mais pas qu’eux), notamment en raison de l’absence de définition précise de ce qu’est « l’artificialisation ». D’où des demandes de se limiter à créer une redevance « imperméabilisation » (peut-être une forme de renaissance de la taxe eaux pluviales ?).

Les parlementaires et représentants de l’administration ont toutefois clairement affiché une contrainte d’« iso-budget » : selon eux, il n’y aura pas de relèvement du plafond mordant, et s’il y a création de nouvelles redevances, elle devra être compensée par la suppression ou la réduction d’autres redevances ou taxes pour ne pas peser sur le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises.

Dans le contexte actuel de la pandémie, nous ne savons pas comment vont se poursuivre – ou non – les travaux de ces deux groupes.

Nous sommes quoiqu’il en soit preneurs de vos remarques et de vos propositions.

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